mercredi 26 octobre 2011

Abel COMPADRE – Une carrière

Parmi les soldats, brancardiers, canonniers, caporaux, sous-officiers et autres jeunes recrues et moins jeunes, un officier Lieutenant-Colonel de 58 ans : Louis Emmanuel Abel COMPADRE.  C’est probablement le plus haut gradé et le plus âgé des soldats sur ce monument. Réserviste au 33e Régiment d’Artillerie en avril 1914, il est rappelé le 2 août et rejoint son unité.
Mais revenons plutôt sur sa longue carrière.
Son père, Jacques Louis Alfred dit Alfred COMPADRE (1810-1876), né à Dijon en Côte d’Or, est commis de direction aux contributions indirectes de Moissac en 1837 lorsqu’il épouse Jeanne DELSOL, fille d’un géomètre –conducteur des Ponts et Chaussées.
La naissance de 4 enfants permet de retracer le parcours professionnel d’Alfred COMPADRE.  Une première naissance est retrouvée à Moissac en 1842 (Berthe), puis le jeune homme est muté aux contributions indirectes de Montauban dans les mêmes fonctions. Naissance l’année suivante d’Elia Marie (1843) et d’Antoine Gabriel Flavien en 1851.  En 1858, on retrouve la famille à Villeneuve sur Lot avec naissance de Louis Emmanuel Abel.  Alfred COMPADRE prend le poste de directeur des Contributions indirectes.  Il meurt à Tonneins (Lot et Garonne) en 1876, son épouse, Jeanne Julie Irma DELSOL lui survivra deux ans. Elle décède à Moissac, (probablement chez sa fille Elia) en 1878.  
Orphelin et encore mineur,  le plus jeune fils, Abel perçoit une pension civil (Bulletin des lois 1878).

Un bon élève 
Après un passage au Lycée Saint-Théodard de Montauban, Abel COMPADRE (1) est reçu en 1879 à l’Ecole Polytechnique de Paris.  Admis 92e sur 200 élèves. Il a 21 ans, mesure 1m65, cheveux et sourcils châtain froncé, front élevé, nez ordinaire, yeux bruns, bouche petite ; voilà la description qui figure sur sa fiche d’admission.  Il est également précisé « orphelin », son frère « rentier à Moissac ». (2)  Il obtient lors de ces deux années passées à Polytechnique, de bonnes moyennes sur l’ensemble des matières étudiées. Et justement, quelles sont-elles ?

Analyse, mécanique, Géométrie descriptive, Physique, chimie, Stéréotomie, Littérature Française, Langue Allemande, dessin et lavis théorique.
Un petit tour dans un dictionnaire s’impose à moi : des cours de Stéréotomie ? : « Ces cours apportent les outils fondamentaux de la géométrie descriptive au service de la taille de pierre (art du trait) et éclairent l'architecture pierre dans ses dimensions constructive, formelle, mécanique et historique. »
Le jeune homme passe en deuxième année avec encore une bonne moyenne : 84e sur 194 élèves, fini celle-ci à la 101e place. Il choisit alors la voie de l’artillerie et passe ses examens d’entrée pour l’Ecole d’Artillerie (26e sur 70). Il quitte l’Ecole polytechnique de Paris avec le grade de sous-lieutenant.

L’Artillerie

Le 1er octobre 1881, Abel COMPADRE, entre donc à l’Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie. Sorti Lieutenant en octobre 1883, 
Commence alors les diverses affectations. Ce sera tout d’abord le 23e R.A à Toulouse, où il prendra le grade de Lieutenant (1883-1886) - 20e RA de Poitiers  (1886-1890) - 10e Régiment d’Artillerie où il est affecté à l’atelier de Construction de Rennes  (1890-1894) avec le grade de Capitaine en 2e. Un bref passage de 15 jours par le 7e RA, et retour à Rennes jusqu’en 1896.
Le livret matricule d’officier nous informe des différentes mutations et permissions avec date, destination, durée, mais également des missions qui lui sont confiés. Ainsi en Mai 1886, il est «Désigné pour procéder à la division de la carte de France au 1/10 000 »  En 1887 « parti le 15 mai se rendant au Lys St Georges (Indre) présider la commission de classement des chevaux et voitures N°4 ».
Entre 1887 et 1888, le Lieutenant COMPADRE se rendra aussi plusieurs fois à Paris pour passer les différents concours d’admission à l’Ecole Supérieure de la Guerre. Après vérification sur le site « non officiel » de cette école, il ne semble pas avoir réussi ces nouvelles épreuves.  

Légion d'Honneur
1902
Il retourne en 1896 à l’Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie, mais cette fois en qualité de Professeur Adjoint au cours de Mécanique Appliquée aux machines. Il sera Professeur au cours de 1901 à 1906.
Par décret du 1er juillet 1902, alors qu’il est Capitaine en 1er au 83e RA, il est fait Chevallier de la Légion d’Honneur, décoration qu’il recevra à Bourges le 14 juillet suivant.

La vie Militaire/Famille

Demande autorisation de Mariage
 A.Compadre - 1886

Pour les non-initiés comme moi, qui ne connais dans ma proche famille ou amis aucun militaire de carrière, la lecture du livret matricule me surprend par sa précision et ses détails. Chaque absence, départ, congés, permissions est notée, commentée, dans la mesure où elle concerne la vie militaire. Ainsi connaît-on ses nombreux  voyages vers Paris et Redon (Ile et Vilaine) entre 1883 et 1886.  Il n’est alors pas difficile de faire le rapprochement avec les évènements privés. Il part le 1er septembre en permission de 30 jours. La destination ni le motif du congé ne sont indiqués. Il se marie le lendemain, à Redon avec Marguerite Marie PELTIER.  L’autorisation du Colonel du 23e RA signé le 29 juin 1886, précise : « Les renseignements recueillis établissent que Melle PELTIER appartient à une famille bien considérée ; qu’elle jouit elle-même d’une excellente réputation…. ».
A noter également un passage par Moissac en Septembre 1885 et une permission de 4 jours en décembre quelques jours avant le décès de sa sœur Elia Marie à l’âge de 42 ans.
En revanche, il m’a été difficile d’identifier les 3 enfants mentionnés sur un document de la Base Eléonore (1 fils et deux filles). Le site Généanet me permet de retrouver Suzanne (1890-1984), Jean (1898-1962) et Yvonne. Informations prises auprès du propriétaire de l'arbre, il semble bien s'agir des enfants d'Abel et Marie Marguerite Peltier, sans autres précisions.

Retraité le 13 mars 1914
 

Rayé des contrôles de l’activité le 13 mars 1914, il est « nommé Chef d’Escadron de Réserve par décret du 15 avril 1914 au 33e RA »
*******

Croix de Guerre le 10 juillet 1916

Cité à l'ordre de l'artillerie lourde du 7e corps d'Armée (ordre n°21  du 19 juillet 1916)
Tableau d'Honneur de la Légion d'Honneur à compter du 25 décembre 1916 :
Compadre Louis Emmanuel Abel, Chef d'Escadron de Réserve au 83e Régiment d'Artillerie Lourde
"Excellent Officier supérieur. Commande avec beaucoup de rigueur depuis le 15 mars 1916 un groupe d'Artillerie lourde soumis à des tirs violents et fréquents. Par sa clairvoyante fermeté, son entrain et son endurance à maintenir dans son ...... un moral très élevé, dans des circonstances difficiles et périlleuses".
Nommé Lieutenant-Colonel le 24 Octobre 1916, Abel Compadre décède le 30 novembre, avant l'application du décret et sa mise au tableau d'honneur.  Déclaré MORT pour la FRANCE des suites de maladie contractée aux armées, à l'Hôpital temporaire de Revigny.
**********

Un grand merci au bénévole d'ARCHIMILI pour leur aide précieuse à la compréhension de ces dossiers militaires. A Colette DOUROUX pour l'intégralité du dossier militaire. (SHD de Vincennes).

J'ai volontairement axé ce billet sur la vie et la carrière de ce militaire, avant le conflit. Retraité et rappelé à l'activité en 1914, son parcours durant la guerre peut aisément être lu sur le JMO du 83e RALT. (SGA Mdh).  Son dossier militaire nous informe peu sur cette période, hormis sa citation pour une croix de guerre et sa mise au tableau d'honneur de la légion d'honneur.

**********

1) Louis Emmanuel Abel Compadre est prénommé dans cet article Abel, car c'est ainsi qu'il signe ses documents. A.Compadre.
2)  En réalité,  Antoine Gabriel Flavien COMPADRE (1851-1935) est, en 1879, Sous Lieutenant, porte-drapeau au 82e RI. Entre 1880 et 1890 il sera lieutenant de la Garde Républicaine à Paris, Capitaine de Gendarmerie à Montauban (1890) puis à Moissac. (1898).Médaillé de la Légion d’Honneur en 1896.  Il est le père de Pierre Emile Emmanuel COMPADRE, Magistrat, 27 ans,  mort pour la France en 1914 et inscrit au côté de son oncle Abel sur le MAM de Moissac.
**********

Sources & Liens utiles 
Archives communales de Moissac (82), archives en ligne du 82 - 47.
Site généanet (rouchou) et contact avec Claudie Carol (Arrière petite nièce).


Aucun commentaire:

Archives du blog